Slimane Boukraa*, Fara N. Raharimalala*†, Jean-Yves Zimmer*, Francis Schaffner#, Thomas Bawin*, Eric Haubruge*, Frédéric Francis*
* Unité d’Entomologie fonctionnelle et évolutive, Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège, Belgique ; † Institut de Pasteur, Antananarivo, Madagascar ; # Centre National d’Entomologie des vecteurs, Institut de Parasitologie, Université de Zurich, Suisse.
Résumé : L'environnement et les changements climatiques, ainsi que la mondialisation des échanges commerciaux internationaux peuvent affecter la distribution des pathogènes et/ou des arthropodes vecteurs. Actuellement, l’espèce AedesalbopictusSkuse est considérée comme le moustique le plus invasif dans le monde entier et l’un des plus importants vecteurs d’arbovirus (notamment chikungunya et dengue). En Belgique, Ae. albopictusa été introduit pour la première fois en 2000 à Vrasene (Province de Flandre-Orientale), dans une entreprise de recyclage des pneus usagés en provenance des États-Unis et du Japon. Plusieurs autres inspections ont été effectuées (2001-2012) après ce premier rapport, mais aucun autre spécimen n’a été trouvé. L’espèce était considérée comme éliminée naturellement et aucune nouvelle introduction n’avait été signalée. Dans le cadre d'une étude de surveillance de moustiques réalisée dans plusieurs endroits à travers la Belgique en 2013, un adulte mâle d’Ae. albopictusa été capturé à l'aide d’un piège à CO2 à Vrasene dans la même entreprise de recyclage de pneus (51°12'49"N, 4°11'37" E; juillet 2013). L’espèce a été confirmée par identification morphologique et moléculaire. Cette redécouverted’Ae.albopictusainsi que son absencedurant les treize dernières années, démontrent saréintroduction en Belgique via lecommercede pneus usagés. Une étude sur la survie et la dispersion de ce moustique en Belgique, ainsi que de son écologie dans les pays voisins pourrait fournir des indications importantes pour élucider davantage son caractère invasif et identifier les zones à haut risque.
Mots clés : Aedesalbopictus, vecteur, Belgique, pneus usagés, moustique.
Contexte
Aedesalbopictus (Skuse, 1894) (Diptera: Culicidae), communément appelé « le moustique tigre », est une espèce invasive originaire d’Asie du Sud-Est. Une nouvelle réintroduction de ce vecteur d’arbovirus a été enregistré en été 2013 en Belgique. Cette présentation abordera successivement : (a) L’invasion d’Ae. albopictus et importance médicale, (b) (Ré)-Introduction d’Ae. albopictusen Belgique, (c) Risque lié à l’introduction et à l’adaptation d’Ae.albopictus en Belgique, (d) Gestion de risque et contrôle.
Invasion d’Ae.albopictuset importance médicale
Depuis la fin des années 70s, Ae. albopictusconnait une propagation explosive dans le monde entier où il est considéréactuellement comme le moustique le plusinvasif dans le monde (1). La mondialisation des échanges commerciaux, notamment les pneus usagés (2) et le Lucky Bambou (3), est un facteur clé de cette invasion. En Europe, il a été signalé dans 20 pays et est aujourd'hui bien installé dans la région méditerranéenne (1). Ae. albopictusfait partie des plus importants vecteurs d’arbovirus, en particulier pour les virus de la dengue et du chikungunya(1), et des filarioses animales notamment Dirofilariaspp. (4). Le risque d'apparition et la propagation de ces arbovirus aux régions non épidémiques ont surtout augmenté dans les régions où Ae. albopictus est établi. Cette hypothèse est démontrée à plusieurs reprises, notamment les récentes transmissions autochtones du chikungunya et de la dengue en Italie, en Croatie et en France (1).
(Ré)-Introduction d’Ae. albopictus en Belgique
En Belgique, Ae. albopictusa été introduit pour la première fois en 2000 à Vrasene (Province de Flandre-Orientale), dans une entreprise de recyclage des pneus usagés en provenance des États-Unis et du Japon (5). Plusieurs autres inspections ont été effectuées (2001-2012) après ce premier rapport, mais aucun autre spécimen n’a été trouvé (6, Schaffnerdonnées non publiées). L’espèce était considérée comme éliminée naturellement et aucune nouvelle introduction n’avait été signalée (6). Cependant,une étude sur la surveillance de moustiques réalisée dans plusieurs endroits à travers la Belgique en 2013 a de nouveau signalé la capture d’Ae. albopictus àVrasene, dans la même entreprise de recyclage de pneus. Cette redécouverte d’Ae. albopictus, ainsi que l'absence de toute constatation au cours des années précédentes (2001-2012), démontre sa réintroduction en Belgique via le commerce des pneus usagés (7).
Risque lié à l’introduction et à l’adaptation d’Ae.albopictusen Belgique
Aedesalbopictus est un vecteur efficace confirmé des virus de ladengue et du chikungunya (1), ainsi que des filarioses animales notamment Dirofilariaspp. (4) ; la Belgique enregistre de plus régulièrement des cas de chikungunya importés (8). Ainsi, s'il s'établit dans le pays, Ae. albopictus peut devenir une menace importante et réelle pour la santé humaine et animale tant par son rôle de vecteur d'agents pathogènes que par sa nuisance.
Gestion de risque et contrôle
Une étude sur la survie et la dispersion d’Ae.albopictusen Belgique, ainsi que sur sa bio-écologie dans les pays voisins pourrait fournir des indications importantes pour élucider davantage son caractère invasif, et identifier les zones à haut risque.Une réponse proactive rapide est essentielle pour la lutte anti-vectorielle afind’éviter son installation en Belgique. Cela inclut la mise en œuvre rapide de mesures de contrôle, avant que l’éliminationne devienne impossible (9).Lesprogrammesde surveillance et de contrôle doivent cibler davantage toutes les zones possibles d’introductionde ce vecteur,en particulier les entreprises du commerce international des pneumatiques et des plantes ornementales telle que le Lucky Bambou.Ces programmes doivent également être appliqués durant toute la saison d’activité d’Ae. albopictus, sous une logique de lutte anti-vectorielle intégrée (10). A cet effet, l’appel aux moyens de lutte mécanique et les traitements larvicides sont fortementrecommandés. Le recours aux traitements adulticidescependant, sera justifié uniquement en cas d’abondance de l’espèce due à de nouvelles réintroductions.
Conclusion
Les réintroductions d’Ae. albopictusen Belgique via l’importation de pneus usagés, l’environnement favorable à son installation et la confirmation régulière de cas importés du chikungunyiarendent la Belgique vulnérable aux risques d’une transmission autochtone de cette maladie infectieuse. Vuque plusieurs pays d'Europe de l'Ouest connaissentactuellement des introductions répétées d'Ae. albopictussur leurs territoires, la mobilisation et la coordination des surveillances entomologiques entre ces pays - y compris la Belgique - sont devenues plus que nécessaires afin de traquer toutes les voies potentielles de réintroductions. Compte tenu du grand pouvoir adaptatif et invasif d'Ae.albopictus, il est recommandé d’agir rapidement et efficacement pour éliminer cette espèce avant son installation et sa dissémination ; ces mesures permettraient ainsi de réduirele risque de transmission des arboviroses en Belgique.
Référence
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V. Versteirt, S. Boyer, D. Damiens, E. M. De Clercq, W. Dekoninck, E. Ducheyne et al. Nationwide inventory of mosquito biodiversity (Diptera: Culicidae) in Belgium. Europe Bull Entomol Res 103, 193-203 (2013).
S. Boukraa, F. N. Raharimalala, J.-Y. Zimmer, F. Schaffner, T. Bawin, E. Haubruge, et al. Rediscovery of Aedesalbopictus in Belgium: introduction or establishment ?Emerg Infect Dis, (Article soumis) (Septembre, 2013)
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F. Schaffner, R. Bellini, D. Petrić, E.-J. Scholte, H. Zeller, L. MarramaRakotoarivony. Development of guidelines for the surveillance of invasive mosquitoes in Europe. Parasit Vectors, 6, 209 (2013).
Centre national d’Expertise sur les Vecteurs. Introduction d’arthropodes vecteurs auniveau des plateformes portuaires et aéroportuaires. Identification des principaux risques (2012).